Scènes du golfe en action
côté cour & côté jardin...déc. 2016
L'interview de Chloé Moglia
Quelques semaines après avoir assisté à la répétition publique du spectacle Ose à la Lucarne, Loïc Perrin, abonné aux Scènes du Golfe, rencontre en tête à tête Chloé Moglia, artiste et directrice de la compagnie Rhizome.
Chloé, lorsque les Scènes du Golfe m’ont proposé de réaliser votre interview, je me suis demandé quelle légitimité j’avais à vous interviewer. Puis, je me suis dit que je retrouvais dans cette proposition de rencontre la générosité et l’ouverture dont vous avez fait preuve en nous invitant à cette répétition alors que le spectacle n’était pas encore terminé.
Oui, j’aime l’idée de faire réaliser cette interview non pas par un spécialiste théoricien, mais par un spectateur, de laisser la place au public, à la subjectivité, de renouer le contact.
Le spectacle que vous répétiez à la Lucarne s’appelle Ose. Ce titre m’a posé question. Est-ce un besoin de faire passer un message à travers ces trois femmes artistes sur scène ? Est-ce un hymne à la féminité, à la femme à qui on propose d’oser ?
C’est toujours problématique de donner un titre à un spectacle car on le choisit très en amont de la création du spectacle. Pour ma part, je ne pré-conceptualise pas, je me fie à mes intuitions qui sont au croisement du senti et du réfléchi. C’est ce titre qui faisait sens pour moi, intuitivement, inconsciemment. Je n’ai jamais eu conscience de travailler sur la question féminine et pourtant je n’ai toujours travaillé qu’avec des femmes. Voir une femme faire des tractions, c’est inhabituel et ça crée un trouble. C’est ce trouble qui m’intéresse. J’ai grandi avec le fait de me dire que nous aussi, en tant que femmes, nous pouvons. Même si ce sont les hommes qui sont les plus représentés autour de nous, notamment dans les arts et la culture. J’espère être dans une forme de féminisme qui honore les hommes aussi. Au départ, ce n’est pas une volonté conceptuelle mais probablement un besoin social collectif auquel ma sensibilité est réceptive.
Ces trois femmes sur scène étaient très différentes : espagnole, finlandaise et la troisième danoise, américaine et mexicaine. Comment les avez-vous choisies ? Avez-vous organisé un casting ou les connaissiez-vous ?
La première que j’ai rencontrée, c’est Carla Farreny, qui a 24 ans. Elle a fait du cirque à Barcelone, a beaucoup travaillé hors cadre, seule, et elle est rentrée directement dans le métier. Un jour, je l’ai invitée à intégrer une performance. Et par la suite, elle a participé à un précédent spectacle avec moi. Elle est incroyable en terme de justesse, elle ne quitte jamais ce qu’elle est.
Viivi Roiha, qui est finlandaise, s’est présentée à une audition que je proposais. Elle avait entendu parler de mon travail. C’est une fille solide, puissante, un peu grande gueule ! Elle n’a pas cherché à me plaire ou me déplaire. Son rapport au féminin n’est pas celui de la séduction, elle est très naturelle, très indépendante, libérée de certains codes.
Kamma Rosenbeck est la plus jeune. Elle est trapéziste, et fille de trapéziste, elle a 20 ans. Son père est danois, sa mère mexicaine et américaine. Je ne la connaissais pas avant ce spectacle. Elle a un drôle de parcours, elle a eu une enfance inhabituelle, assez en dehors du système scolaire, hors école de cirque aussi.
Elles sont toutes les trois, chacune à leur façon, très étonnantes.
Il y a plusieurs façons de travailler avec les acteurs : aller chercher ce qu’ils sont ou leur imposer quelque chose, même si c’est contre leurs natures. Quelle est votre façon de travailler avec vos artistes ?
C’est une question que je me suis posée quand j’ai commencé à encadrer une équipe. Je ne savais pas encore si j’allais imposer mes méthodes ou au contraire composer avec les gens en face de moi. Puis, j’ai compris que la question s’annulait : il fallait que je travaille avec des personnes fortes pour chercher à les cloner sans que ce soit possible ! J’impose ma méthode mais leurs personnalités fortes créent des reliefs qui m’intéressent. C’est leur résistance à la contrainte qui me plaît. Plus je leur impose d’être moi, plus je leur fais confiance pour résister à ma demande. L’altérité est un cadeau. J’ai une estime de l’humain qui fait que je n’ai pas envie de travailler avec des marionnettes. Je veux travailler avec du vivant. Au final, j’ai l’impression de faire un travail proche de celui de cultivateur, à l’écoute du vivant.
J’ai lu que vous vous intéressez aux sciences. Avez-vous déjà vu ce metteur en scène et acteur, Johann Le Guillerm, qui travaille sur le point d’équilibre ? Son spectacle phare s’appelle Secrets.
Oui, nous nous connaissons. La dernière fois nous nous sommes vus pour jouer en juin à Lyon, invités par Mathurin Bolze, autre circassien. Il y avait aussi Sébastien Barrier. A la base, je suis une catastrophe scientifique, j’ai été dégoutée à l’école et m’y suis intéressée tardivement. J’ai lu beaucoup de livres sur le temps, les bactéries, l’oxygène… j’ai vécu une expérience en apesanteur, j’ai rencontré des anthropologues et plusieurs scientifiques … maintenant la science me passionne ! Je trouve cela incroyable par exemple d’être heureux de respirer « un grand bol d’oxygène » alors que cette forte concentration d’oxygène est corrosive et peut être vue comme une terrible pollution due à des bactéries d’il y a très longtemps ! La science, quand elle change et réactive notre perception du monde et de nous-mêmes, élargit le champ des possibles. A condition, par contre, qu’elle n’éclipse pas la poésie, qui est, elle aussi, une immense voie de connaissance !
Et j’aime à ce titre citer l’anthropologue atypique Tim Ingold : « La poésie ne vient pas après la science, pour célébrer le triomphe de la raison sur la nature. Elle vient avant la science, lorsque, avec davantage d’humilité, nous reconnaissons que nous devons notre existence au monde que nous cherchons à connaître ».
Retrouvez Chloé Moglia le samedi 25 janvier dans Rhizikon, et le mardi 28 février prochain dans Ose, au Théâtre Anne de Bretagne (Vannes).
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